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J'exprime mes sentiments et ma vie par les mots.

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Castiel Percy
Castiel Percy


MessageSujet: J'exprime mes sentiments et ma vie par les mots.   J'exprime mes sentiments et ma vie par les mots. Empty31.07.14 18:55

Je n'ai aucun don en dessin, bien que je sache faire de la 3D. Mon domaine à moi, c'est l'écriture. J'écris depuis mon plus jeune âge (sept/huit ans). Cela fait sept ans que je travail sur un projet de roman. C'est mon seul chemin, m'exprimer par les mots. Je vous poste ici le premier chapitre de ce livre qui s'intitulera : L'âme du démon (L’âme du démon (ʻUhane ke kiapolō) - Damnation et trahison (Kuamuamu a me kipi), Dark Fantasy/Historique/Réaliste/Futuriste.) Je sais que Lysdoria connaît ce chapitre par coeur  love! 


I. L’étrange rencontre

12 février 1719

Ce sont des temps bien sombres et incertains, des années de conflits. Je crains l’avenir. Les trois nations se sont mises d’accord sur l’extermination de la piraterie; alors au lieu de s’entre-tuer, elles multiplient les traques de pirate. Drôle, non ? Pas vraiment. À cause de ces batailles contre notre « nation », les ennuis constituent notre vie.

Je profite du calme tout en jouant sur un toit avec mon ʻūkēkē1 , un instrument des îles d'Hawai'i. J’interprète un air pour reposer mon esprit. Je me trouve à il Latòti2, au nord-ouest d’Hispaniola dans les Caraïbes. Je suis toute proche du centre de la ville, au-dessus de la maisonnette d’un marchand d’herbes médicinales.

Alors que je suis en train de jouer, ma montre s’active. Elle ne l'avait pas fait jusqu’à maintenant. J’avais auparavant tourné le cadran dans le sens inverse des aiguilles et appuyé dessus pour l’allumer. Un hologramme apparait. Il a la forme d’une magnifique jeune femme d’une vingtaine d’années. C’est en réalité un esprit emprisonné dans le mécanisme. Elle est capable de me voir et de communiquer avec moi, elle se fait appeler Hanamee. La manière dont je l’ai acquise semble être dépourvue de tout sens logique.

Une femme, qui me ressemblait comme deux gouttes d’eau et qui, d’après ses dires, viendrait d’un monde parallèle, m’a fait une démonstration qui m’a intriguée. Comment cela peut-il être possible ? C’était complètement irréaliste, et pourtant. Je n’avais absolument rien compris sur le moment. Ce type d’objet-horloger  semble totalement inconnu ici.

Avant de me lancer dans la piraterie, j’étais une kahuna lāʻau lapaʻau3. Selon la tradition, j’ai hérité du « pouvoir » chamanique de ma mère. Mes ancêtres étaient des prêtresses et des prêtres guérisseurs ayant le don du feu. Il m’a été transmis, c’est pour cela que je m’en sers aujourd’hui.

Mes habits sont entièrement noirs. N’allez pas penser que je me vêts ainsi parce que je suis une femme lugubre, mais juste parce que la couleur noire me fascine. Étrange non ? Je porte donc un gilet noir par-dessus ma chemise blanche. Mon pantalon en tissu sombre me permet une plus grande liberté de mouvement. Pour moi, il est impensable de porter une robe en mission, sauf en cas « extrême ».  J'endosse également une très longue veste noire en cuir sans capuchon, et un bandana rouge ainsi que ma montre complètent ma tenue.

Je dois absolument retourner dans la seule taverne où nos ennemis n’osent pas pénétrer par peur d'une rébellion qui s’est formée contre les actuels occupants de l’île. Ces ennemis en question ne sont autres que les forces françaises. La cohabitation entre les forbans, les réfugiés politiques et l’envahisseur est des plus tendues.

Je me suis attirée les foudres des autorités parce qu’elles me prennent pour une anglaise ! Il ne faut pas oublier que la France et l’Angleterre se haïssent ! Je suis devenue leur ennemie, d’une part parce que j’ai fini par rejoindre la résistance et de l’autre pour contrebande d’herbes médicinales.

Il m’arrive parfois de dormir à la belle étoile, pour observer le ciel. Je porte toujours une arme sur moi, on ne sait jamais ce qui peut se produire pendant la nuit. Malgré le nombre de gardes, cette ville malodorante n’est pas sûre.

Tout en jouant, je réfléchis sur la manière dont je vais pouvoir trouver un travail. Je lève la tête en direction de l’astre nocturne qui me charme. Je suis très sensible aux périodes lunaires, surtout lors de la pleine lune.

Je me trouve ici depuis quelques mois seulement, je suis bloquée parce que je n’ai pas encore réussi à me faire embaucher. On m’a dit « deviens pirate et forge-toi un avenir là-dessus ». Il paraissait bien gentil, l’homme qui me l’a proposé, mais c’est sans compter sur la difficulté en tant que femme de pouvoir exercer le métier de flibustier. Il m’a donné un coup de main en me formant personnellement à devenir une femme pirate, dans le plus grand des secrets. Cet homme n'était autre que celui qui hante les cauchemars des humains, l’anti-vie, c’est-à-dire le Diable lui-même.

La recherche d’un travail sur un navire n’est pas chose facile pour une femme. Souvent, je me trouve confrontée à la méfiance des hommes. On nous accuse de porter malheur à bord d’un bâtiment et de maudire l’équipage.

Que c'est calme ce soir ! Pas un chat dans la ville, très peu de patrouilles ! Je cesse de jouer. Je ressens de l’énergie venant de la lune. Une légère brise commence à souffler, je la sens sur mon visage et mes longs cheveux noir ébène. J’ai presque envie de dormir à la belle étoile, mais c’est trop dangereux par ici. Je range mon ʻūkēkē et observe la rue adjacente au commerce d’herbes où je me trouve toujours. C’est très silencieux. J’en profite pour sauter sur une petite plate-forme puis sur le sol, essayant de ne pas faire trop de bruit. J'étudie les environs : personne.

Je continue mon chemin en direction de la taverne Jolly Roger où les rebelles se sont installés, c’est à cet endroit que je vais dormir. J’avance en me faisant discrète, évitant les rares gardes français qui traînent dans le coin. À cette heure, la plupart sont complètement ivres. J’entends des pas, je me cache derrière un muret. Je suis une criminelle, je vole pour me nourrir. Je tends l’oreille pour percevoir les paroles échangées. Dans mon mouvement quelque chose se fracasse sur le sol.

Des soldats regardent dans ma direction. Quelle espèce de tête en l’air je fais ! Je cours dans la rue sans réfléchir, d’autres m’attendent juste en face. Je viens de commettre une erreur monumentale, je suis encerclée par mes adversaires. Je préfère me rendre plutôt que de me battre, ce serait suicidaire et je pourrai toujours m’échapper plus tard.

La troupe reprend sa patrouille et seulement deux gardes m'escortent vers le poste. Le premier soldat marche juste devant moi. Je lui donne un bon coup de pied dans le dos, il tombe à terre. Je l'estourbi rapidement pour ne pas avoir deux combattants armés à gérer.  

La tâche ne va pas être simple, il me faut tout d'abord récupérer mes armes : deux katanas japonais, un poignard et un pistolet à silex. Malheureusement pour moi, c’est le second acolyte qui les détient. Il se rapproche avec son air menaçant. Sans arme, je ne peux pas faire grand-chose. Je vais être obligée de me battre à main nue, le temps de le désarmer et ainsi de pouvoir récupérer mon équipement. Ce garde est beaucoup plus costaud et coriace. Ma plus grande crainte: que son collègue se réveille et ne vienne s’en mêler.

Je cherche une solution, sans succès. Une erreur d’inattention et je me prends un bon coup dans le ventre. Bon sang de bonsoir ! Je reprends mes esprits et recule pour éviter un coup fatal. J’ai des chaînes aux poignets, je m’en sers pour combattre.

C’est alors que je vois un jeune homme s’approcher de moi. Avec des renforts, il s’occupe de ce gredin. J’en profite pour étrangler ce dernier avec mes menottes tandis que mes « nouveaux amis » l’assaillent de coups mortels.

Une fois ce soldat mort, je cherche la clef pour me libérer. Le chef de mes sauveurs récupère mes armes, me les donne. Je le remercie en faisant un signe de la main.

Je suis obligée de tuer le garde qui se trouve toujours assommé pour l’empêcher d’aller donner l’alerte. Je me dirige vers lui en sortant l'un de mes katanas, plante la lame dans son cœur puis l’essuie sur son corps. Pendant que je nettoie mon arme, j’observe avec attention ce jeune homme, je dois cesser de penser à lui et me concentrer car le reste de la troupe revient à la charge.

Le combat reprend et il ne faut pas laisser de survivants. Je frappe avec un katana pendant que je pare les coups avec le deuxième. Le jeune meneur crie quelque chose à ses compères. Je le vois se rapprocher de moi; maintenant, il se trouve carrément à mes côtés pour m’aider.

Je dois faire attention à ne pas le blesser ou pire, le tuer. Je suis quelque peu perturbée par sa présence, je me décale légèrement pour éviter toute erreur fatale en acculant notre ennemi. Un garde a du mal à gérer deux combattants, il se replie. L'affrontement se prolonge encore quelques minutes.

La zone se remplie de nouveaux militaires, nous décidons de ne pas nous éterniser. Une fois hors de vue, je tire le chef par le bras et l’emmène à l'angle d’une ruelle sombre avec ses hommes, je retiens ma respiration. La patrouille se précipite dans l'autre rue. Je me retourne vers mes sauveurs et les remercie.

Je ne comprends malheureusement pas grand-chose à ce qu’ils disent, c’est vraisemblablement de l’espagnol, or ma langue maternelle est l’hawaïen et je m’exprime essentiellement en anglais. Le calme semble être revenu. J’invite par des signes, mes compagnons de combat à me suivre au Jolly Roger, où les gardes n’osent pas entrer. Nous nous dirigeons vers ce repaire en surveillant nos arrières.

Je frappe une fois à la porte et fais entrer tout ce petit monde le plus rapidement possible. Les regards se tournent vers nous, le tavernier a sorti son arme. Je hoche la tête, il la range. J’étudie la salle, trouve une table au fond et pars chercher du rhum, le poison local, et de quoi manger. Quant à moi, je prends un jus de fruit, je déteste l’alcool.

Le tavernier me fait signe de m'approcher, me demande qui sont ces étrangers qui se sont dispersés dans la salle. J’explique simplement qu'ils m'ont libérée. Quelques minutes plus tard, je reviens avec la boisson à notre table et attends le reste de ma commande avec un léger sourire.

« Mahalo nui loa kanaka ʻē4! dis-je, tout en oubliant que mon sauveur ne comprend pas ma langue.
¿Qué dice usted? ¿Qué es el lenguaje de los dioses ? »

Je fais un geste d’incompréhension. Il semble réfléchir puis s’efforce de me parler cette fois-ci en anglais.  

« Que dites-vous ? Qu’est-ce, cette langue des Dieux ? me demande ce jeune homme.
— Je parle l’Ōlelo Hawai'i, c’est ma langue natale. Je vous ai remercié pour ce que vous avez fait avec vos amis ce soir, lui répondis-je. Je vous dois la vie.
— Ce n’est rien, je vous ai vue dans la rue m’illuminer, belle Déesse. En voyant ces gredins vous faire du mal, nous n’avons pas pu nous empêcher d’intervenir. Dites-moi, créature des nuits, quel est votre nom ?
— Mon nom n’a que peu d’importance, Monsieur. Appelez-moi Aloha.
— C’est un vrai prénom de divinité, Aloha. C’est quand même important, un nom.
— Quel est donc le vôtre, Monsieur ?
— Le mien est Garcia Kols.
— Mais dites-moi, Garcia. Que faites-vous dans un endroit aussi mal famé que cette ville de la Tortue ? C’est la première fois que je vous vois ici, à il Latòti.
— J'étais à la recherche d’un navire. J’ai trouvé un galion espagnol qui est au port actuellement.
— Quel est votre métier ?
— Je suis capitaine. Si vous le désirez, je vous propose de me rejoindre à condition que vous m’aidiez à le réquisitionner. Qu’en pensez-vous ?
— Vous me connaissez à peine et vous souhaitez m’engager sur votre bâtiment ? dis-je, étonnée.
— J’ai des hommes qui nous attendent pour pouvoir s'en emparer, mais pour cela, j’ai besoin de toute l’aide possible. Sans appui local, je n’y arriverai pas. Je sais que les femmes ne sont pas les bienvenues dans ce milieu, mais je ne pense pas de cette façon. Pour moi, elles ont autant le droit de travailler sur un navire que les hommes. »

Je réfléchis, d’ailleurs, j’avais vu auparavant ce galion. De toute évidence, ce Garcia est un pirate.  

— Donc, si j’ai bien compris, vous cherchez des mathurins pour vous aider à obtenir ce galion espagnol. Et qu’avez-vous l’intention de faire, une fois que vous l’aurez acquis ?
— Je vais prendre le large avec mon équipage et tenter de gagner ma vie en haute-mer. Il y a tant de richesses qui n’attendent que nous. S’il vous plaît, belle créature, aimez-moi et je vous promets un très bon poste sur mon futur navire, conclut Garcia avec un certain enthousiasme.
— Dois-je en déduire que vous êtes un pirate ? Vous savez, je pourrais vous dénoncer à la garde.
— Ma déesse, je pense que vous aussi vous êtes hors-la-loi, vu la réaction des soldats vis-à-vis de vous. Vous êtes pleine de mystères et je souhaite traverser votre porte du jardin.  »

Il me semble très étrange, ce Garcia. Il est si jeune et déjà capitaine ? Il doit avoir environ vingt-cinq ans, mais je peux me tromper. Il me demande même de l’aimer ? Je ne sais pas si cela est voulu ou non, je crois plutôt qu’il essayait de dire « aidez-moi » !

« Je vais réfléchir à votre proposition, Monsieur. »

Maintenant qu'il se trouve à la lumière de la bougie de notre table, je peux mieux l'observer. Il n’a pas l’air d'un véritable pirate. Il a de longs cheveux bruns sales, il n’est pas originaire des Caraïbes, encore moins de l’île de la Tortue. Il est hispanique. Il parait bien musclé, il porte une chemise blanche sous gilet brunâtre.

Le tavernier nous apporte notre commande: un bon potage aux légumes avec du jambon, du fromage et des fruits par la suite, j’ai très faim. Je souhaite un bon appétit à Garcia. Je commence à avaler la soupe  préparée par le tenancier, elle sent bon. Au lieu d'utiliser la cuillère, je la bois au bol. Je prends mon temps pour manger, quand je remarque que mon interlocuteur me regarde. Cela me gêne un petit peu. Habituellement je suis seule à table, sans présence masculine. Kols a cessé de manger.

« Ne vous arrêtez pas pour moi, Monsieur Kols.
— Je suis désolé, mon rayon aux mille soleils, me dit alors Garcia avec gêne. Je pense que vous devez avoir plus d’influence que vous ne le dites, vu la réaction des clients en vous voyant. Et… »

Des gardes envahissent notre domaine. Ils nous cherchent, j’en  suis amusée. Je fais discrètement signe à mon ami et à ses acolytes de ne pas bouger et de laisser les choses se dérouler. Le tavernier les regarde d’un mauvais œil et d’autres clients se préparent au combat. Les voilà qui reviennent derrière nous. Nous sommes en état d’arrestation. J’affiche un mauvais sourire en les regardant.

Les clients empoignent leurs couteaux, poignards et stylets; certains sortent pour faire le guet, les autres attaquent nos ennemis tout en évitant que ceux-ci ne tirent des coups de feu. Heureusement pour nous, ils sont peu nombreux. Je donne un coup de main tout comme Garcia et ses hommes.

Je prends une bouteille et la fracasse sur la tête de l’un des soldats. Ensuite, je sors mon poignard de ma botte droite et le lance entre les yeux d’un deuxième. Il faut être rapide et efficace. Je me tourne vers Garcia qui semble satisfait de ne plus avoir nos ennemis à nos trousses mais quelque peu perplexe. Quelques minutes après, c’est comme si rien ne s’était passé.

« Qu'avez-vous, Monsieur Kols ? m’exclamais-je avec amusement.
— Rien de spécial, j’étais juste plongé dans mes pensées. Nous sommes enfin tranquilles, ces chiens galeux sont morts ! »

Le tavernier s’approche, tout en me faisant un clin d’œil et me donne une clef. J’observe la salle, on nettoie le sol. Je fais un signe discret au tenancier. Nous n’avons pas fini notre repas, je m’assois pour le terminer. Garcia discute avec ses hommes. Je me dépêche pour pouvoir ensuite monter.

Un peu plus tard, Garcia a négocié les chambres pour ses hommes et pour lui. Il me rejoint avec ses officiers au nombre de cinq :

« Aloha, je te présente Juan, Hermandez, Edwardo, Heiva et Carlos, mes officiers.
— Enchantée, dis-je.
— Enchantés. » répondent les cinq officiers.

Arrivant à l’étage, je trouve ma chambre sur la gauche. Kols me sollicite pour savoir s’il peut venir avec ses hommes. Je lui fais un clin d’œil en ouvrant la porte, les laisse entrer. Il fait sombre, d'un simple geste, j'allume les bougies.
La chambre est modeste, mais acceptable. Je suis satisfaite. Je referme la porte à clef. J’enlève ma ceinture d’armes et la dépose sur une chaise pendant que mes compagnons de combat discutent au-dessus de la carte de la ville. La réquisition du bâtiment n’est pas leur unique but : ils souhaitent libérer notre île du joug de la France. Prendre cette ville va être un vrai défi.

Nous ne sommes ni suffisamment nombreux dans la rébellion ni équipés pour nous battre. Nos adversaires sont coriaces, possèdent des navires lourdement armés; et en supposant que nous puissions acquérir ce galion espagnol, ce ne sera pas assez. Les flottes française, espagnole et anglaise sont contre nous. L’équipage compte environ deux cent quarante hommes, c’est un vaisseau de guerre, supposément allié des Français. Il a attiré mon attention, mais étant hors-la-loi, monter à bord m’est impossible.

Garcia prétend avoir suffisamment d’hommes pour le prendre, les Frères de la Côte vont nous aider. Je reste cependant très sceptique : nos adversaires sont trois fois plus nombreux que nous, le combat risque de finir dans un bain de sang. Sans oublier que nous allons attirer l’attention des gardes français. J’observe la carte, écoute ses conseils :

« Nous allons procéder par étape, nous devons savoir où se trouvent les réserves de munitions, d’armes et de médicaments. Mais, ils nous manquent des informations. Aloha, est-ce que vous connaissez les moindres recoins de la ville ?
— Je peux effectivement vous montrer sur le plan où se trouvent ces différents éléments. Il faut savoir qu’il y a beaucoup de caches, principalement de contrebande. Malheureusement, plus de la moitié d’entre elles ont été condamnées sur ordre du gouverneur pour couper les vivres aux pirates. Il en reste encore qui n’ont pas été découvertes par nos ennemis.
— Est-ce que vous pouvez nous indiquer les emplacements ?
— À vos ordres Garcia ! »

Je commence par leur dire où se trouvent les réserves d’armes et de munitions, en pointant mon doigt sur la carte.

« Ces réserves sont très bien gardées, malgré tout. Les français pensent que personne n’osera les attaquer de l’intérieur. Ils s’attendent à un combat qui viendra de l’océan. Il faut profiter de cette faiblesse de leur part pour pouvoir récupérer leur arsenal. Dans la taverne Jolly Roger, il y a une cache qui va en direction de l’église. Ã partir de là, vous avez cent mètres à parcourir dans la ville pour arriver au QG de la garde. C’est là que le plus gros du stock se trouve. Le seul moyen d’y entrer, c’est de se faire passer pour des Français. Nous avons des rebelles qui se sont déjà infiltrés chez eux. Ils nous aideront si vous le souhaitez.
— Il n’y a pas un autre endroit ? Moins exposé ? me demande Juan.
— Oui, il y en a un qui est à l’abandon. Il se trouve à l’extérieur de la ville. Dans cet entrepôt, il y a des armes, de la poudre, des munitions. Personne ne s’en préoccupe. D’après les rumeurs, cet endroit serait « hanté ». Les autres sont dispersés de part et d’autre de la ville. Pour ce qui est des médicaments, laissez-moi m’en occuper. Je peux m’en procurer sans problème, la corruption est un fléau bien répandu ici, l’autorité laisse faire… »

Il écoute mes propositions tout en se raflant une bouteille de rhum. C’est un amoureux de la boisson, comme la plupart des pirates, sauf moi. Je vais l’aider. Mais Garcia ne voit pas ma participation à l’assaut de la même manière que ses hommes. Il faut que je fasse mes preuves.

Je consulte ma montre et réactive mon hologramme. Cela surprend tout le monde. Hanamee les salue. Je lui demande :

« Hanamee, écoute-moi bien. Dans une semaine, Garcia souhaite lancer un assaut pour réquisitionner le galion espagnol qui se trouve actuellement au port. Nous avons une semaine pour préparer cette attaque. Que me conseilles-tu de faire ?
— Une attaque contre ce galion ne va pas être une chose simple. La meilleure technique serait de les frapper avant le lever du jour, les surprendre pendant qu’ils dorment. C’est votre meilleure chance de réussite. Après, tout dépendra du facteur chance, le galion se trouve dans une zone à forte résonance.
— Merci de ton aide Hanamee; effectivement, il faudra prendre en compte le risque de faire énormément de bruit. J’en prends bonne note. »

Nous avons une semaine pour mener à bien notre plan. Après cette délibération, les cinq sous-chefs nous laissent seuls.

« Garcia, je n’ai pas besoin de votre protection. Ce que vous faites est honorable, mais traitez-moi comme vos hommes. Je ne suis qu’un simple mousse, je refuse d’avoir un traitement de faveur. Votre équipage risque de ne pas apprécier une « femme » avec des privilèges.
— Si c’est ce que vous voulez vraiment, je peux vous traiter comme un homme. Tout pirate, qu’il soit homme ou femme se doit de respecter le code. En échange, je ferai mon possible pour vous garder en vie.
— Il n’y a aucun problème pour le code, je sais ce que le mot honneur veut dire. Laissez-moi simplement une chance de vous prouver que je suis digne de naviguer à vos côtés et de me battre pour ma patrie. »

Nos regards se croisent. Je n’affiche aucun sourire. J’espère qu’il a compris ma demande et qu’il n’interviendra pas. Je me prépare pour aller me coucher, je vais me laver. Garcia reste dans la chambre, il finit sa bouteille de rhum. Visiblement celui-ci ne souhaite pas aller dans sa chambrette.

Une fois mon bain terminé, je le vois à moitié endormi sur la chaise. Je me sèche les cheveux tout en réfléchissant, il n’y a qu’un seul lit. Je ne peux pas non plus le porter, il faut que je le réveille et lui propose de dormir dans un endroit plus confortable!

Je l’appelle doucement, il sursaute et tombe sur les fesses. Je m’excuse tout en l’aidant à se relever. Je lui propose de dormir dans le lit et moi par terre. Il ne veut pas que je fasse cela, il me fait comprendre que c'est lui qui dormira sur le sol, malgré mes protestations. Je hausse les épaules, mets mon pistolet sous l’oreiller. J’attends qu’il soit installé pour éteindre les bougies.  

Je me réveille avant l’aube, après une bonne nuit de sommeil, malgré les ronflements de Garcia. Je m’étire et me dirige vers la fenêtre. La lune est toujours dans sa phase pleine. Il dort à poings fermés. Je me prépare en silence et me mets à travailler sur son plan…

17 février 1719

Nous étions fin prêts pour la première partie de l’opération : récupérer l’arsenal ennemi pour pouvoir ensuite mener l'assaut du galion. La nuit ne va pas tarder à tomber sur la ville, je me trouve en compagnie de Garcia et de ses hommes, à la taverne Jolly Roger. Nous avons envoyé des éclaireurs pour savoir si le terrain est dégagé. Je croise les doigts pour que rien de fâcheux ne vienne tout gâcher.

Assise à une table, je pense à notre mission. Je ne dois en aucun cas échouer sinon ma crédibilité va s’en prendre un coup. Je tapote des ongles en attendant que les éclaireurs reviennent. Garcia, lui, discute avec ses cinq officiers de la marche à suivre, je les entends de loin. Il y a un semblant de calme dans cette taverne, je finis par lever la tête et fixe la magnifique serveuse. Elle semble avoir du succès auprès des hommes, j’esquisse un sourire puis active ma montre. Hanamee apparait et me salue.

Soudain, quelqu’un frappe à la porte. Le tavernier sort son mousquet, il hurle et la porte s’ouvre. Ce sont les éclaireurs qui reviennent, je me lève et me dirige vers eux :

« La plupart des gardes est occupée à sécuriser une soirée que le gouverneur à organiser. Ceux qui se trouvaient à la limite de la ville ont été rappelés en renfort. Les seuls soldats que nous avons croisés sont au centre-ville. Il suffit juste de les contourner et ce sera bon.
— Excellente nouvelle, Miss Aloha veuillez nous montrer le chemin vers cet entrepôt, me demande Garcia.
— Nous n’allons quand même pas y aller ? Vous vous souvenez de ce qu’elle a dit. Il est hanté ! s'inquiètent les mathurins.
— Seriez-vous prêts à devenir les boulets de la piraterie ? Soyez braves quoiqu'il en coute, nous allons avoir besoin de tous les bras disponibles pour récupérer cet arsenal, dit avec fermeté Garcia.
— À vos ordres capitaine ! »

D'un geste, Garcia m'invite à me mettre en marche. Je reste silencieuse pendant une bonne partie du chemin. Je me conforme aux instructions qu’Hanamee me montre via l’hologramme. De temps en temps, je regarde derrière moi, si cela suit bien.

Puis soudainement des gardes quelque peu éméchés sortent de nulle part. Je stoppe et saisis mes deux Katanas; je fais un signe pour que ceux qui me suivent se cachent. Je passe par le côté pour arriver derrière les soldats, je suis talonnée par Garcia et quelques hommes.

Nous les massacrons sans faire de bruit, ensuite nous nous occupons de faire disparaître les corps. Nous reprenons notre chemin. Une fois dans la forêt, je fais apparaître une flammèche pour éclairer les alentours.

Il nous faut environ une demi-heure à pied pour arriver à cet entrepôt. La végétation la recouvre, l’endroit semble même sinistre. Des corbeaux s’envolent à notre arrivée, ce qui provoque un vent de panique chez les marins qui nous accompagnent. Garcia les remet au pas.

Je me demande si ces rumeurs sont fondées ou non, et si oui, ce qui peut bien hanter ces lieux. Seules nos voix brisent le silence, Garcia ordonne de fracasser les chaînes de la porte d’un coup de hache. Je les laisse faire tout en les observant.  

Une fois à l’intérieur, un air glacial nous arrive au visage. Il fait extrêmement froid ici. Je suis sur mes gardes, je regarde partout autour de moi. Pendant que Garcia et Juan visitent toutes les pièces de l’entrepôt, moi, je tente de savoir pourquoi il fait aussi froid dans cet endroit. Je demande même l’aide d’Hanamee. Je dois rester vigilante.

On entend le sol craquer, comme si le bois était prêt à se briser, en effet celui-ci est tellement pourri qu'il vaut mieux faire attention où nous mettons les pieds.

Plusieurs minutes plus tard, Garcia et Juan sont de retour après avoir tout inspecté. Je reviens sur mes pas et les écoute :

« Il y a assez d’armes et de munitions pour mener l’assaut, nous ne pouvons pas tout transporter en une fois. Nous allons devoir revenir ici à plusieurs reprises. Merci Aloha de nous avoir montré le chemin.
— Il n’y a pas de quoi Garcia.
— Messieurs, au travail. Ramenons ce butin au Jolly Roger.
— Tout de suite monsieur ! »

J’affiche un petit sourire malicieux puis retourne enquêter sur l’origine du froid. La température est anormalement basse pour la zone. J’ai l’impression de me trouver en Europe, à Londres en hiver. Mais cela me rappelle aussi autre chose de beaucoup moins agréable. La présence de mon Maître, le Diable… J’avance prudemment toujours éclairée par ma flammèche.

J’entends alors un bruit suspect, je m’en approche et constate que ce sont des rats et des souris. Je grimace tout en haussant les épaules; je décide de faire demi-tour lorsque j’entends un murmure. Je regarde discrètement derrière mon épaule. Je vois comme deux yeux rouges qui me fixent.

Je leur fais face et tente de savoir ce que c’est. Un esprit frappeur ? Le Diable ? Je sors mon Katana et me mets en garde :

« Qui est là ?! Montrez-vous ! » dis-je d’un ton ferme.
Je me rapproche, il y a une ombre devant moi. Je fronce les sourcils puis dis :
« Maître ? Est-ce vous ? Je suis à vos ordres. »  

Je m’incline et attends une possible réponse. Cette ombre me passe alors à travers le corps et me jette à terre. Cela ressemble plus à un mauvais esprit qu'à la présence du Diable. J’entends des hurlements de terreur. J'essaie de me relever au plus vite mais je suis complètement gelée.

Je rampe sur le sol jusqu’à ce que je retrouve des forces dans mes jambes. Je me lève et tente d’aller au plus vite rejoindre Garcia et ses hommes. Quelques-uns d'entre eux se trouvent à terre, complètement frigorifiés. Je cherche à savoir où peuvent bien être Garcia et ses officiers.

Je les vois un peu plus loin, je me rapproche d’eux pour les aider à se relever. Ensuite, je fais apparaître une flamme plus grande pour nous réchauffer.

« Qu’est-ce que c’était cette chose ? »

Je ne comprends pas la suite de la discussion entre eux, je me contente de les observer. Je ne sais pas si cette chose va revenir à la charge. Une fois ces messieurs remis, je vais voir les autres. Je remarque qu’ils manquent des hommes, certains ont fui les lieux.

Garcia fait des signes à ses hommes, j’en conclus qu’il leur  ordonne d'affronter cette chose avec courage et honneur. J'acquiesce et je donne un coup de main pour sortir une partie de l’arsenal.

Tout est redevenu calme, voire trop calme. Alors que je suis en train d'emmener une caisse de munitions, je vois l’ombre nous charger. Je hurle de se plaquer sur le sol, je m'exécute également avec de grands gestes. Cet esprit  va vraiment nous poser problème et je n’ai aucune idée du moyen de s’en débarrasser.

Je grogne tout en me relevant, je reprends ma caisse et vais la poser avec le reste du matériel. Je réfléchis à une solution, le brûler ne servirait à rien si ce n’est à compliquer encore plus la situation. Je sors mes deux Katanas et attends patiemment tout en surveillant ce qui se passe du coin de l’œil. Les hommes ont presque fini de sortir la première moitié du chargement.

Alors que nous sommes sur le point de repartir, l’ombre réapparait et s'en prend une nouvelle fois à nous. Tout le monde se regroupe et ensemble nous utilisons nos pouvoirs pour la contrer. Je ne suis pas la seule à avoir des dons dans l'équipe. Une attaque coordonnée nous permet de nous débarrasser une bonne fois pour toutes de cet esprit et ainsi de nous servir sans être dérangés.

Une fois que nous avons terminé, nous prenons ce que nous avons amassé pour le ramener au Jolly Roger sans que le gouverneur ne le sache. Nous répétons cette opération six fois.

24 février 1719

Nous avons réussi à récupérer suffisamment de matériel pour notre assaut. Nous avons pu faire ce coup de maître, au nez et à la barbe de ces gueux ! Les Français n’ont rien compris à ce qui leur arrivait. C’est grâce à l’aide d’Hanamee et de l’esprit d’équipe qui nous unit. Cela ne s’est pas fait en une seule fois, mais sur plusieurs jours.

Peu avant le lever du soleil, je suis déjà prête à partir. J’ai aiguisé et nettoyé mes armes. Nous sommes restés dans la taverne, notre seul refuge bien que la ville possède d’innombrables cachettes. S’il ne tenait qu’à moi, j’attaquerai la ville et le navire en même temps.

Je réveille brusquement Kols et nous rejoignons ses hommes. Je ressens une certaine attirance pour le navire. De nuit, il est effrayant, d’autant plus que la proue représente un crâne de métal qui semble avoir les yeux rouges, comme venu d’un autre monde. Et à ce moment-là, j’entends une voix dans ma tête :

Te rappelles-tu la mission que je t’ai confiée, esclave ? Devenir capitaine. Va sur ce navire et prends le pouvoir. Si tu réussis, tu seras libre. Si tu échoues, ton âme m’appartiendra à jamais !

Cette voix me glace le sang. Mon âme appartient au Seigneur des Enfers avec qui j’ai conclu un pacte il y a quelques années. La damnation qui me frappe n’est pas encore visible ou contraignante, mais elle bouleverse mon existence. Je me dois de lui obéir. Méphisto a droit de vie et de mort sur ma personne.
Je rejoins Garcia qui m’attend près du rafiot.

« Bonne chance, Monsieur Kols, vous allez en avoir besoin,  le navire sera bien défendu !
— Ne vous en faites pas Aloha, nous allons y arriver ! Ils ne savent pas à qui ils ont affaire, ces gredins.
— Que le vent guide nos pas, l’honneur ou la mort ! »

Je fais appel à Hanamee, je lui dis à voix basse « Hanamee, pupule kēlā5 ! ». Je la vois rire en secouant la tête. On me regarde avec étonnement. J’entends des commentaires, mais ne comprends pas ce qu’ils disent.

« Bonjour messieurs ! Bonne bataille ! »

Je prends le mousquet que Garcia me tend. Je le remercie avec un regard neutre, puis suivent les autres. Je prie mon ange gardien de nous protéger.

Le combat débute avec violence. La détermination des hommes de Garcia est sans limite. Au premier coup de feu, je me positionne en arrière et fais mon possible pour tuer le plus d’ennemis. Je charge mon arme tout en évitant de me faire blesser. Les projectiles pleuvent de partout. Je crains que les français ne viennent prêter main-forte à leurs alliés et compromettent la mission. Je demande à Hanamee de me donner l’évolution de la situation et de m’avertir si l’ennemi approche avec des renforts.

N’en ayant plus l’utilité, je donne le mousquet à un allié proche pour pouvoir prendre mes propres armes. Je dégaine mes katanas et me dirige vers le cœur de la bataille. Je reçois un coup au visage qui me fait tomber sur le pont. Mon adversaire m'a fait une belle entaille à l’arcade sourcilière gauche et j’ai égaré un katana.

Je roule sur le côté pour le récupérer sans quitter mon ennemi des yeux. Il tente de me tuer avec son sabre, je pare son attaque avec ma lame. Je mets toutes mes forces pour pouvoir me relever.

Le sang coule sur mon œil, diminuant ma vision. Un des hommes de Kols m’aide à me redresser. J'essuie ma blessure avec mon bras et reprends le combat, non sans difficulté. Hanamee me conseille de m’occuper de ma blessure pour qu’elle ne m’handicape pas. Je suis le mouvement tout en restant en retrait. Je n’ai pas d'autre choix que de me soigner provisoirement avec le feu, même si c’est risqué. Je me mets en sécurité et fais apparaître une flammèche.

« Tu es vraiment folle de faire ça avec du feu ! Tu n’as pas un autre moyen plus radical ?

— Hahahahaha, Hanamee. Comment veux-tu qu’on nous considère comme des pirates si on commence à jouer aux trouillardes ? J’espère que c’était ironique, ton commentaire. Parce que si c’est ce que tu veux, je peux prendre mon katana, m’arracher la peau, et y verser ensuite du rhum !
— Je t’interdis de le faire ! Ce n’est pas parce que tu es damnée que tu peux tout te permettre ! Tu es descendante kahuna lāʻau lapaʻau, mais toi tu es extrême ! On a l’impression que tu aimes souffrir. Si c’est la seule solution, alors vas-y mais je ne veux pas voir ça. »

Je fais les gros yeux à mon hologramme, il ne faut pas que les autres apprennent que je suis « le serviteur » du Diable. J’écarte mes cheveux pour éviter qu’ils s’enflamment. Je lance un défi à mon hologramme: regarder cette « torture ». La sensation de brûlure me fait verser des larmes, rien n’est plus douloureux que de cicatriser ma blessure de la sorte. Cette odeur de peau brûlée me rappelle celle d’un poulet trop rôti.

Je retourne au combat. J'emboîte le pas des autres et donne de temps à autre de violents coups de sabre japonais. Gérer tout ceci est presque impossible, tout se précipite. Cela crie de tous les côtés. Les sabres s’entrechoquent, les coups de feu partent, c’est assourdissant. Je dois faire attention à ne pas trébucher sur les cadavres qui jonchent le sol, notre nombre diminue à vue d’œil.

Le capitaine du navire se trouve sur le pont principal, entouré par ses hommes. Je n’ai pas d’autre choix que d’intervenir, il faut que je m’impose ! Je prends mes katanas et les fais tournoyer devant moi, tout en avançant prudemment. J’entends à nouveau Garcia malgré tout ce brouhaha.

Je veux tirer une balle dans la tête du capitaine d'un seul tir. Je me rapproche. Je dois me lancer. Je ferme les yeux, pose mes lèvres sur ma main et demande à mon ange gardien de nous donner un coup de pouce. J’ai l’impression que tout ce qui se passe autour de moi est au ralenti. Je sens les battements de mon cœur s’accélérer. Je pivote légèrement sur le côté et tire. Je n’entends plus un seul bruit dans la zone. Autour de moi, plus personne ne combat, un silence de mort plane. On se tourne vers moi.

Mon arme est encore fumante, je souffle dessus puis la range. Je m’avance vers l’homme agonisant. Garcia nous conseille de ne pas aller vers lui, je m’arrête. Le capitaine déchu tente de parler, mais on le roue de coups. Je n’entends pas ses paroles. Malgré les contestations de Garcia, je me rapproche prudemment de l’ancien maître des lieux en levant la main pour faire comprendre à Garcia que je maîtrise la situation.

« Félicitation, ton coup l’a mortellement blessé Aloha, il ne lui reste plus beaucoup de temps avant qu’il ne périsse. Donc, si tu veux lui parler, dépêche-toi.
Mahalo6 Hanamee de ton conseil. Je vais tenter de savoir ce qu’il nous veut. »
Je m’accroupis, l’homme m’attrape par le col et pointe ma montre.
« Voilà celle qu’il a désignée, le Maître a fait son choix, dit-il.
— Quel Maître, quel choix ? Ce n’est pas moi qui les commande. C’est Garcia, le jeune pirate derrière moi.
— Ta venue sur ce navire n’est pas le fruit du hasard, tu étais destinée à me combattre et à me défaire.
— Je ne sais pas de quoi vous parlez !
Uoki hana ka hewa ʻole... Kiapolō ʻœ7 !  »

Comment peut-il me connaître ? Je ne l’ai jamais vu de ma vie ! Garcia me secoue, me demande ce que me raconte le mourant. Je ne réponds pas tout de suite. Le capitaine me parle toujours :

« Tes amis n’ont pas idée de ce qu’ils viennent de faire. Vous l’avez réveillé… »

Il tire toujours sur mon habit, je me laisse tomber en arrière.

« Vous n’avez pas idée de ce que vous venez de faire, voilà ce qu’il vient de dire, Capitaine Kols... »

Je n’ai pas compris les dernières paroles du mort et ne peux pas tout révéler à Garcia. J’ai alors une vision : je vois ce même navire entouré par les ombres. Je suis seule sur le pont, je vois la figure de proue. Ce crâne de métal me rappelle la canne que possédait le Diable la première fois que je l’ai rencontré. Il était à ma gauche, debout, et me regardait, ses mains posées sur le pommeau de sa canne. Je me rapprochais de lui. Je réalise alors que la figure de proue et la canne sont identiques, c’est le même emblème !

Je reviens dans le présent, Garcia me fixe, inquiet. Je prétexte la douleur de ma blessure à l'arcade et prétends la nécessité de me soigner au plus vite. Il fronce les sourcils et m’ordonne d’aller à l’infirmerie. Je suis toujours absorbée par ce que j’ai vu. Je ne peux pas lui dire que ce navire appartient au royaume des ombres…


1 est un arc musical en bois de koa, 16 à 24 pouces de long et environ 1 ½ pouces de large avec deux ou trois cordes attachées à travers et autour de chaque extrémité, à l'écoute à une triade majeure
2 Île de la tortue en Haïtien.
3 Prêtresse guérisseuse.
4 Merci beaucoup noble étranger.
5 C'est fou !
6 Merci
7 Ne fais pas l’innocente… Tu es le démon !
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J'exprime mes sentiments et ma vie par les mots.

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